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L’hydroxychloroquine contre le Covid

Ils nous disent que si on avait écouté Didier Raoult, on aurait pu soigner les malades du Covid grâce à l'hydroxychloroquine, que ça aurait été très efficace, et que de toute façon on ne risquait rien à essayer puisque c'est un médicament vendu depuis des décennies, que des tas d'Africains et de militaires allait en Afrique en ont pris tous les jours, et que s'il posait des problèmes ce serait connu. Comme Didier Raoult, ils nous disent que cela aurait été la “fin de partie”(*) pour le Covid. Ils nous disent aussi qu'il y a eu un complot des grands labos (le Big Pharma) et du lobby juif pour s'opposer à la prescription d'hydroxychloroquine.

(*) Didier Raoult, alors directeur de l'Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses (IHU-MI) de Marseille, a posté sur YouTube, le 25 février 2020, donc peu après le début de l'épidémie du Covid, une vidéo intitulée “Coronavirus: fin de partie!”, dans laquelle il expliquait que “Les Chinois” avaient découvert que la maladie se guérissait facilement avec “la chloroquine” (une molécule à laquelle l'hydroxychloroquine, moins dangereuse, est apparentée). Plus tard, face aux essais décevants obtenus avec l'hydroxychloroquine, il a modifié le titre de sa vidéo en “Coronavirus: vers une sortie de crise?”.

Pourquoi certains ont-ils refusé l'utilisation de l'hydroxychloroquine pour soigner des malades qui risquent de mourir du Covid, alors qu'elle a été utilisé aussi largement contre le paludisme?
Pourquoi Agnès Buzyn, ministre de la Santé au début de l'épidémie, a-t-elle classé l'hydroxychloroquine sur la “liste des substances vénéneuses”?
Quel a été le rôle du laboratoire Sanofi, d'Agnès Buzyn et du lobby juif dans cette affaire?

Une boîte de Plaquénil (hydroxychloroquine) de Sanofi
Le Plaquénil (hydroxychloroquine) de SANOFI

Le contexte: comment les médicaments sont autorisés à la vente

Aujourd'hui, en France comme ailleurs, un laboratoire ne peut vendre un médicament que s'il a obtenu une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), qui atteste de son efficacité et de son innocuité (balance bénéfices-risques favorable pour les indications ciblées). La preuve est apportée grâce à des études cliniques sur des volontaires. L'AMM précise l'indication: dans quel cas et à qui il est possible de donner le médicament. Par exemple l'aspirine permet de réduire la fièvre mais pas d'arrêter une hémorragie, et l'acide valproïque (Dépakine, Dépakote) est efficace contre le trouble bipolaire et l'épilepsie mais ne doit surtout pas être donné à une femme susceptible de tomber enceinte.

Les études cliniques ont beaucoup évolué au XXe siècle, notamment sur les critères statistiques d'évaluation des résultats, mais aussi énormément sur les critères éthiques (lire les explications de l'INSERM). En 1947, les critères utilisés par le tribunal de Nuremberg pour juger les médecins nazis ont été diffusés sous le nom de “Code de Nuremberg”. En 1964, la déclaration de Helsinki a défini des règles (dont le Comité d'éthique) reconnues dans le monde entier. Depuis, les règles n'ont cessé de se durcir pour réduire les risques de fraude et pour améliorer la transparence (la liste des études cliniques autorisées est publiée en ligne).

Au final, le patient y a beaucoup gagné. Il n'est plus possible pour un industriel de vendre un médicament juste grâce à son marketing: c'est ce qu'avait fait Bayer pour l'Aspirine sans en indiquer les risques (le le jeune Tsar Nicolas II a failli en mourir, ignorant les risques en cas d'hémophilie), puis avec l'héroïne présentée comme évitant la dépendance provoquée par la morphine (ou opium), alors que la dépendance à l'héroïne est encore plus forte qu'à la morphine.

Tout n'est pas parfait. Déjà, il y a des menteurs et des fraudeurs, comme Servier avec son Médiator qui détruisait le cœur, et les compagnies qui ont promu aux USA les opioïdes de synthèse (dont l'oxycodone et le fentanyl) en cachant les énormes risques de dépendance et d'overdose. Il y a des études cliniques biaisées. Enfin, la procédure est très lourde et très coûteuse. Les médecins ne prescrivent maintenant presque plus que des médicaments à l'efficacité prouvée, mais il y a quelques exceptions, comme certains extraits de plantes (phytothérapie) “traditionnellement indiquées en cas de ...” (et jugés peu dangereux), ainsi que l'homéopathie, car en France (siège de Boiron qui en est le leader mondial), l'homéopathie est classée comme médicament mais n'a aucune exigence d'efficacité ou d'innocuité à démontrer.

Pourquoi l'hydroxychloroquine (ou la chloroquine) a-t-elle été proposée par Didier Raoult?

Didier Raoult a eu deux raisons objectives pour proposer ce médicament:
Par la suite, Didier Raoult s'est enfermé dans un enchaînement de mensonges, comme s'il était incapable d'avouer qu'il avait parlé trop vite et de façon trop péremptoire. Ces mensonges ont été longuement et fidèlement décrits le 1er avril 2020 par le site Les Crises.

Didier Raoult a également recommandé de combiner l'hydroxychloroquine à un antibiotique, l'azithromycine. Cette préconisation reposait sur une simple hypothèse théorique, sans preuve clinique. Toutefois, elle posait problème au niveau de la sécurité, nous y reviendrons.

Puis, le 20 mars 2020, Didier Raoult a publié un article faisant état d'une étude clinique prouvant l'efficacité impressionnante de l'hydroxychloroquine combinée à l'azithromycine. A priori, à part le faible nombre de patients (36, dont 20 traités par hydroxychloroquine), l'étude pouvait semblait pertinente puisqu'elle comparait un groupe traité à un groupe témoin, et qu'elle affichait des chiffres impressionnant. Mais en réalité, rien n'allait dans cette étude:
Voici un résumé graphique de l'origine et de l'issue des patients de cette “étude” de Didier Raoult:

origine et issue des patients de l'étude Raoult
Origine, traitement et issue des patients de “l'étude” de Didier Raoult
(*) le texte ne précise pas explicitement si, parmi les patients partis en réanimation, décédé, ou ayant abandonné, il y avait des patients ayant reçu de l'azithromycine en plus de l'hydroxychloroquine
L'étude de Didier Raoult a été analysée dans un article de l'Association Française pour l'Information Scientifique (AFIS Science), qu'il est intéressant de lire. L'AFIS est l'association qui édite l'excellente revue “Science et pseudo-sciences”.

Bref, Didier Raoult n'avait en réalité pas d'argument sérieux pour promouvoir l'hydroxychloroquine, ni sa combinaison avec l'azithromycine.

Pourquoi l'intérêt de l'hydroxycholoroquine a-t-il immédiatement été mis en doute?

Fondamentalement, l'intérêt de l'hydroxychloroquine a immédiatement été contesté, malgré le constat d'une efficacité in-vitro, pour les raisons suivantes:
C'est ainsi que, comme le rappellait le site Les Crises fin mars 2020, Martin Hirsch, alors directeur général de l'APHP (hôpitaux de Paris), expliquait dès le 1er mars 2020 sur Europe 1: “Tous les spécialistes que j’ai vus disent que la chloroquine: «à chaque fois qu’il y a un nouveau virus, il y a un type qui dit que ça va marcher. […] La chloroquine marche très bien dans une éprouvette, mais n’a jamais marché [à ce jour] chez un être vivant.»”.

Par ailleurs, il y a eu très vite une inquiétude concernant les troubles du rythme cardiaque. L'hydroxychloroquine, comme de nombreux autres médicaments, augmente l'intervalle Q-T, signifiant que le cœur met un temps anormalement long à se relâcher après un battement. Le risque d'un intervalle Q-T allongé est, au-delà de “palpitations”, une arythmie cardiaque pouvant déboucher sur une fibrillation ventriculaire (dite “torsade de pointes”, à cause de la courbe de l'électrocardiogramme qui ressemble à un fil barbelé torsadé), avec un risque important de mort subite.

S'il n'y a généralement pas de risque à prendre de l'hydroxychloroquine, le risque est sérieux chez les personnes qui ont un intervalle Q-T allongé, que ce soit naturellement, à cause d'une maladie, ou à cause d'un autre médicament allongeant cet intervalle. Or dans le cas des malades du Covid, les risques sont finalement importants à cause d'une combinaison de facteurs:
En milieu hospitalier, ou même dans un cabinet médical correctement équipé, il est possible de faire un électrocardiogramme pour dépister les patients ayant un intervalle Q-T allongé. Mais du fait de la grande médiatisation des recommandations de Didier Raoult, beaucoup de personnes ont pris cette combinaison de médicaments de leur propre initiative et donc sans électrocardiogramme, ou chez un médecin n'ayant pas l'équipement, ou le temps, ou l'envie, pour faire cet examen. Dans ce cas, le risque cardiaque est donc inacceptable.

Pire encore, des personnes ont cru qu'il était utile de prendre l'hydroxychloroquine et l'azithromycine à titre préventif, c'est-à-dire pendant des mois ou plus. Dans ce cas, les risques cardiaques sont augmentés d'autant, de même que les risques associés à l'usage prolongé d'un antibiotique, que ce soit pour la personne (déstabilisation de son microbiote) ou pour la santé publique (apparition de bactéries résistantes, un risque que Didier Raoult a d'ailleurs nié à de multiples reprises, de façon totalement incompréhensible sachant que c'est l'une des menaces majeures sur la santé publique au cours des prochaines années ou décennies).

Bref, il y avait toutes les raisons pour penser que l'hydroxychloroquine avait peu de chances d'être efficace, et beaucoup de raisons de craindre une surmortalité lié à un usage incontrôlé en automédication ou sans électrocardiogramme préalable, surtout en association avec l'azithromycine.

Pourquoi Agnès Buzyn a-t-elle mis l'hydroxychloroquine sur la liste des substances vénéneuses?

Le mensonge a été largement diffusé sur les sites d'extrême-droite, et aussi sur des sites plus généralistes: la ministre de la Santé, Agnès Buzin, aurait classé l'hydroxychloroquine sur la “liste des substances vénéneuses” pour empêcher qu'elle permette de guérir le Covid.

La réalité est quelque peu différente et n'a strictement rien à voir avec le Covid:
Bref, le ministère de la Santé a simplement rendu l'ordonnance obligatoire pour obtenir de l'hydroxychloroquine, comme c'est le cas pour beaucoup d'autres médicaments, sans lien avec l'épidémie du Covid puisque ce médicament n'avait jamais été proposé contre le Covid.

Passons à la suite de la question:
Pourquoi le ministère de la Santé a-t-il soumis à ordonnance la délivrance de l'hydroxychloroquine?

L'explication pourrait sembler simple, comme indiqué plus haut: il y a des risques, en particulier sur le rythme cardiaque, pouvant provoquer une mort subite chez certains patients, pour cette raison il est indispensable que ce soit un médecin qui prescrive ce médicament après avoir examiné le patient. Ce n'est toutefois pas ainsi que la décision a été prise!

Du point de vue administratif, on peut tracer ainsi la décision:
D'autres raisons auraient pu justifier cette décision, comme les risques cardiaques, les risques de rétinopathie en cas de prise prolongée (ce qui ne concerne pas le Covid, mais concerne les indications réelles de l'hydroxychloroquine), ou encore le risque d'hypoglycémie grave avec perte de connaissance et risque vital (relevé par l'agence belge du médicament).

On le voit, si notre système de santé est très exigeant au moment d'autoriser un nouveau médicament, la réévaluation des autorisations déjà données est plus aléatoire, malgré le réexamen périodique du “Service médical rendu” (SMR). Certains médicaments restent autorisés malgré des signes inquiétants (c'est l'exemple du scandale du Médiator de Servier). Et dès lors qu'un médicament est jugé toujours utile, il n'est pas si facile que cela de mettre à jour ses conditions de délivrance, ses précautions d'emploi (ceci expliquant les malformations congénitales provoquées par la Dépakine et les autres formes d'acide valproïque, donné à des femmes qui ignoraient les risques en cas de grossesse), ou ses risques en cas d'utilisation prolongée (par exemple avec les somnifères ou les antidouleurs opiacés).

À méditer... mais c'est une question sans lien avec le Covid!

Quel a été le rôle de Sanofi et du lobby juif?

Le rôle du “lobby juif”, pour autant qu'il en existe un en France, est inexistant dans cette histoire.
Cependant, les médias d'extrême-droite ont lancé ce type d'accusations:

En revanche, le laboratoire Sanofi, c'est-à-dire un représentant important du Big Pharma, a eu un rôle très trouble. Par un communiqué du 27 août 2020 (laissé en ligne au moins jusqu'en septembre 2022). Sanofi a continué à suggérer que l'hydroxychloroquine avait peut-être une efficacité contre le Covid, et que les médecins pouvait l'utiliser contre le Covid sous leur propre responsabilité, alors qu'à cette date c'était faux: par décret du 26 mai 2020, le gouvernement avait interdit l'utilisation de l'hydroxychloroquine contre le Covid (lire le communiqué, et le décret qui est peu parlant). Sanofi rappelait toutefois les risques de ce traitement: arythmie cardiaque, rétinopathie, risque génotoxique.

Au final, l'hydroxychloroquine est-elle efficace contre le Covid?

Le mouvement médiatique lancé par Didier Raoult a abouti à des centaines d'études sur l'hydroxychloroquine, dans le plus grand désordre et avec une méthodologie souvent tellement mauvaise qu'on ne peut pas en conclure grand chose: quel dommage d'avoir consacré autant d'efforts à une chimère!
Elles n'ont pas abouti à démontrer son efficacité, c'est-à-dire que l'hydroxychloroquine est soit inefficace, soit très peu efficace contre le Covid.
Et ceci, peu importe à quelle phase de la maladie elle est donnée.

De façon plus inquiétante, la majorité des études ont abouti à un nombre de décès plus important chez les patients traités avec l'hydroxychloroquine. Cet article grand public relate ainsi comment une étude a trouvé un taux de mortalité de 9,3% chez le groupe témoin, 18% avec hydroxychloroquine, 23,8% avec hydroxychloroquine et azithromycine; la chloroquine aussi avait été testée: 16,4% avec chloroquine, 22,2% avec chloroquine et azithromycine. Il a donc pu y avoir des milliers de morts supplémentaires, rien qu'en France, à cause de l'hydroxychloroquine.

Un avis plus complet et mieux sourcé est donné par la Société française de Pharmacologie et de Thérapeutique (SFPT) dans sa position mise à jour le 25 octobre 2021. Le bilan des études cliniques conclut que l'hydroxychloroquine n'est pas efficace contre le Covid, ni seule ni avec l'azithromycine, ni en traitement ni en prévention. Outre cette inefficacité, de nombreuses études ont montré que la prise d'hydroxychloroquine augmente les effets secondaires, le taux de mortalité, et la durée d'hospitalisation.

Conclusion

Ils nous ont menti, et en particulier Didier Raoult nous a menti, ainsi que tous ceux qui ont repris son message (parmi lesquels beaucoup de chefs d'État dictatoriaux): l'hydroxychloroquine ne permet pas de soigner ni de prévenir le Covid.
Qu'on la prenne avant, au début, ou plus tard dans la maladie, elle n'est pas efficace contre le Covid.
Qu'on lui ajoute l'azithromycine ne modifie pas l'absence d'efficacité.

Le plus grave est que l'hydroxychloroquine augmente la mortalité, de façon encore plus importante si on la combine à l'azithromycine.

C'est donc un mensonge particulièrement grave, qui a provoqué des milliers de morts rien qu'en France.

La conclusion plus générale à retenir est que la procédure d'autorisation des médicaments a été inventée pour protéger les patients et qu'il n'y a aucune raison pour s'en exonérer, même en cas d'urgence. Car en cas d'urgence, il y a des procédures accélérées, permettant de donner un médicament à titre temporaire s'il y a quelques raisons de penser qu'il est utile, et de faire des études cliniques de façon exceptionnellement rapide, ce qui a été fait pour tous les médicaments contre le Covid (dont les vaccins).

Une autre conclusion à retenir est que le secteur de la santé est un domaine de prédilection des menteurs, surtout les maladies graves ou effrayantes. La pandémie était donc une occasion rêvée pour eux. Ne croyez jamais aux menteurs qui trouvent à redire au système d'encadrement des médicaments et de la médecine, mais qui ont un produit miracle à vous vendre.


Mots-clés: Covid santé Big Pharma

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