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La proportionnelle

Résultats des
        législatives de 2024

L'Assemblée nationale française issue des élections législatives de 2024 est proche de ce qu'aurait donné une élection à la proportionnelle

Ils nous disent tous qu'ils veulent instaurer la proportionnelle aux élections législatives, “pour sauver la démocratie”, mais ils ne nous disent pas tout.

Pourquoi le veulent-ils et cela sauverait-il la démocratie? C'est l'objet de cet article.

En vrai, qui veut la proportionnelle et pourquoi?

En France, les élections législatives (qui élisent les députés qui siègent à l'Assemblée Nationale) utilisent le “scrutin uninominal à deux tours”: au 1er tour, chaque électeur choisit un candidat parmi ceux qui se présentent à lui, et au 2e tour, il tranche entre les finalistes arrivés en tête. On l'appelle aussi “scrutin majoritaire” car ce système est octroie souvent une forte majorité à un parti, et il est résumé par au 1er tour on choisit, au 2e on élimine.

De nombreux politiciens exigent de le remplacer par le “scrutin proportionnel” (dont il existe diverses variantes), où l'électeur choisit un parti parmi ceux qui se présentent à lui, et chaque parti obtient un nombre d'élus en fonction de son score, choisis dans l'ordre indiqué par chaque parti.

Il y a principalement 3 types de partis qui militent pour la proportionnelle, avec divers arguments, mais toujours en espérant obtenir ainsi plus d'élus:


Au-delà de ces discours qui masquent mal l'intérêt égoïste de chaque parti, on peut se demander si le scrutin proportionnel apporte vraiment tous les avantages qu'on lui vante, car il souffre aussi de défauts bien connus qui sont principalement:

Le scrutin proportionnel est-il plus “démocratique” ou plus “représentatif”?

Un mode de scrutin peut difficilement être qualifié de “plus démocratique” qu'un autre, à partir du moment où il est ouvert, équitable et transparent.

On dit souvent que le scrutin proportionnel permet à chaque tendance politique d'être représentée. Ceci est à relativiser car la plupart des électeurs ont diverses opinions selon les sujets et le parti qu'ils choisissent ne défend qu'une partie de leurs opinions.

Généralement, le scrutin proportionnel aboutit à une représentation plus fractionnée. Il existe toutefois de nombreuses variantes du scrutin proportionnel, dont certaines aboutissent à une représentation très concentrée:

Le scrutin proportionnel favorise-t-il la recherche de consensus?

Cette affirmation souvent entendue est motivée principalement par la comparaison avec l'Allemagne:

Mais ces différences ne proviennent pas uniquement du mode de scrutin. Par exemple, entre l'Allemagne et la France:

Il est indéniable que l'émiettement des forces politiques impose des coalitions de gouvernement (à moins de rester sur un blocage): le scrutin proportionnel (sans prime majoritaire) permet rarement à un seul parti d'obtenir la majorité absolue.

Mais dans bien des cas, il est difficile de parler de “consensus” car il s'agit plutôt d'un diktat imposé par des partis en échange de leur participation à une majorité de gouvernement. On peut citer ainsi:

L'électeur s'y retrouve-t-il?

Il est vrai que dans le scrutin “majoritaire”, l'électeur est souvent frustré:

Pourtant, la situation n'est pas meilleure avec le scrutin proportionnel:

La proportionnelle favorise-t-elle le Front National?

Cette question est extrêmement étrange, car le FN est un parti parmi tant d'autres, et aucun principe fondamental n'est censé lui interdire d'être majoritaire, ni lui garantir d'avoir beaucoup d'élus, ni de pas avoir de concurrents dans son propre camp.

Cette question provient du traumatisme provoqué en France, en 1986, par l'élection de 35 députés FN (un score impossible à cet époque avec le scrutin “majoritaire”), après que François Mitterrand (PS) ait instauré la proportionnelle pour atténuer les conséquences d'une défaite annoncée. On dit qu'il souhaitait également nuire à la droite en lui imposant un choix cornélien: se priver des voix du FN, ou faire fuir les électeurs attachés à l'humanisme et à la démocratie. Dès 1988, la question s'est posée à la droite, et Jacques Chirac (RPR, droite) a été battu, sanctionné par les électeurs choqués par les déclarations de son ministre de l'intérieur Charles Pasqua qui avait affirmé, entre les 2 tours, que le RPR partageait l'essentiel des valeurs du FN.

Pour répondre toute de même à la question “la proportionnelle favorise-t-elle le FN”, on peut dire que cela dépend des cas:


Conclusion

Malgré toutes les promesses, le scrutin proportionnel n'est pas plus “démocratique” que le scrutin uninominal à deux tours. En fait, il n'est défendu que par les partis qui en espèrent un bénéfice: les petits partis, et les partis tellement clivants qu'ils sont régulièrement battus au 2e tour.

Il faut regarder dans le détail pour savoir de quoi on parle, certaines formes de scrutin “proportionnel” aboutissant en réalité à une très forte concentration du pouvoir. Dans le cas du scrutin proportionnel généralement évoqué pour les législatives (à un tour et permettant la représentation d'un nombre important de partis), le résultat est un émiettement pouvant aboutir au blocage d'un pays, d'autant plus que ce scrutin aboutit à des positions plus clivantes, sous la tutelle de chefs de partis omnipotents.

La question de savoir si cela bénéficierait ou non au FN n'est en rien un argument pour ou contre la proportionnelle: ce parti, comme les autres, a le droit d'être élu aux élections, mais n'a aucun droit à échapper à la sanction des électeurs qui le détestent. Du reste, son utilité pour le FN est incertaine: d'un côté la proportionnelle lui bénéficierait parce que c'est un parti clivant et détesté par beaucoup d'électeurs, mais d'un autre elle lui nuirait en favorisant des partis émergents d'extrême-droite qui lui seraient très hostiles, comme on le voit au Parlement Européen. Le FN bénéficierait par contre énormément du mode de scrutin sur mesure qu'il réclame: la proportionnelle à 1 tour avec prime pour la liste arrivée en tête.

Contrairement à ce qu'on affirme parfois, la proportionnelle ne favorise nullement la création d'un consensus ou d'un compromis à l'Assemblée, comme l'illustre la situation à l'Assemblée Nationale au 2e semestre 2024 (avec une répartition similaire au résultat d'une élection à la proportionnelle).

Au final, l'élection à la proportionnelle offre peu de vrais avantages, et a trois défauts très importants:

La France est habituée au scrutin uninominal à deux tours, c'est un mode de scrutin équilibré et relativement robuste face au populisme: tenons-nous-y donc!

N'adoptons pas le mode de scrutin proportionnel qui pose aujourd'hui tant de problèmes dans d'autres pays, à l'ère du populisme et des candidats poussés par le pouvoir de l'argent (comme X/Twitter de Musk à la présidentielle américaine de 2024, ou le groupe Bolloré en France) et les ingérences étrangères grâce aux fermes à trolls et à l'IA générative.


Mots-clés: politique démocratie

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