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Le RIC
(Référendum d'Initiative citoyenne)

Ils nous disent:
– que la démocratie est malade;
– que nous ne pouvons faire confiance ni aux députés que nous élisons (ou qui sont élus pendant que nous nous abstenons), ni aux sénateurs, ni au Conseil Constitutionnel, ni au Conseil d'État, ni au Parlement Européen, ni aux partis politiques, ni aux syndicats, ni aux associations;
– que le RIC permettrait au peuple d'adopter ou d'annuler une loi, de révoquer un élu, et de modifier la Constitution;
– que ça existe déjà en Suisse, qui est la démocratie la plus évoluée du monde;
– que seul le Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC) permettrait au peuple de prendre lui-même les bonnes décisions.

Mais si on leur demande de quelles décisions ils parlent, ils nous disent juste que c'est le peuple qui décidera.

Ils affirment que le RIC aboutirait à la démocratie directe? Mais en fait ils mentent aussi un peu...

Un tag pour le RIC
Le mouvement des gilets jaunes (automne 2018 – été 2019), d'abord opposé à la taxation du gazole au même taux que l'essence, a ensuite fait du RIC une revendication centrale dans l'ensemble des groupes (image créée sur ordinateur mais sans intelligence artificielle)


Note: cette page concerne la politique française.

Le référendum est un bel outil démocratique...

Le référendum a une grande utilité démocratique pour approuver ou refuser des choix cruciaux pour la société:
Il peut aussi permettre de contourner un blocage parlementaire:
Il peut aussi trancher des débats sur des questions bien moins importantes mais qui sont des choix totalement subjectifs:

...mais il y a aussi de mauvais arguments pour le référendum

C'est un moyen pratique pour ne pas formuler ouvertement ses propositions

Normalement, si un mouvement politique, associatif ou syndical pense qu'il faut modifier une loi, il formule ses propositions, qui peuvent éventuellement déboucher sur un référendum.

Mais certains partis politiques ne jurent que par le référendum pour ne pas dire ce qu'ils proposent. Le référendum n'est pour eux qu'une béquille rhétorique.

Le Front National (FN) est un habitué du truc:
comme il n'a pas de proposition en-dehors de la xénophobie (la crainte que les étrangers ne perturbent la société), et qu'il veut attirer des électeurs dont les intérêts sont divergents. Par exemple, lorsque 2 millions de personnes manifestent contre une réforme du Code du Travail, il n'exprime aucune proposition (afin de ne fâcher ni les patrons, ni les ouvriers, ni les indépendants, ni les retraités) et dit simplement “le peuple décidera”.

C'est bien un “truc” car le FN a bien plus d'opinions qu'il ne veut bien l'admettre, et s'il arrivait au pouvoir il prendrait de nombreuses décisions, sans convoquer un référendum à chaque fois.

C'était aussi un “truc” très commode pour les “gilets jaunes” de 2019:
puisqu'ils n'étaient d'accord sur rien (quiconque tentait de résumer les revendications des “gilets jaunes” était harcelé voire menacé par d'autres “gilets jaunes”), le seul dénominateur commun était l'appel au référendum.

C'est parfois une argumentation contre la démocratie

L'appel au peuple est souvent une façon de nier toute légitimité aux institutions existantes: le Parlement, les partis politiques, les associations, les syndicats, les médias,...

C'est en réalité absurde car le lancement d'un référendum d'initiative citoyenne nécessite un fort mouvement d'opinion, qui ne peut généralement apparaître que grâce à un parti, une association (déclarée ou non),...

Mais ce discours d'opposition à toutes les institutions sape les fondements de la démocratie, qui a besoin du Parlement, des partis, des associations, et plus généralement de tout ce qui sert de contre-pouvoir, sans quoi le régime devient une autocratie, et donc une dictature.

Le RIC risque d'être sous influence des grands médias et de pouvoirs étrangers

Si le seul critère pour convoquer un référendum est de réunir un nombre élevé de signatures en un temps limité, l'obstacle est insurmontable pour la plupart des mouvements organisés, comme l'a montré l'échec du RIP sur la privatisation d'Aéroports de Paris (en 9 mois, seulement 1,1 millions de signatures alors qu'il en fallait 4,7).

Mais un média à forte audience avec une volonté d'influence politique, comme CNews,
pourrait obtenir suffisamment de signatures presque en une seule soirée. Dans ces conditions, l'initiative ne serait en réalité pas “citoyenne”, mais “médiatique”. Dans le cas de CNews, ce pouvoir serait finalement celui de son propriétaire, le milliardaire Vincent Bolloré.

De même, une opération structurée de trolls et de robots sur les réseaux sociaux,
par exemple organisée depuis la Russie, la Chine ou les USA, pourrait convaincre des millions d'électeurs de soutenir un RIC, sur la base de mensonges. Il y a donc un risque qu'à la place d'un référendum d'initiative citoyenne, on obtienne un référendum laissé à l'initiative de grands médias manipulateurs, et des propriétaires d'usines à mensonges diffusés sur les réseaux sociaux.

Le RIC ne doit pas être un prétexte pour liquider les libertés fondamentales et la démocratie

L'extrême-droite n'utilise pas seulement le référendum pour masquer son incapacité à exprimer des positions qui puissent convenir à ses différents groupes d'électeurs, mais également dans un but beaucoup plus effrayant.

Pour elle, le référendum, d'initiative citoyenne ou non, serait un moyen de s'exonérer de tout contre-pouvoir et de tout texte de défense des droits fondamentaux.

Pour elle, donc, la peine de mort, abolie en 1981, et interdite par le texte actuel de la Convention européenne des droits de l'homme (ratifiée par la France, et aussi par l'Union Européenne), pourrait être rétablie si un référendum le décidait.

Pour elle, tous les droits fondamentaux pourraient être abolis si un référendum le décidait: liberté d'informer, liberté d'expression, liberté d'association, droit de grève, liberté de pratiquer, promouvoir ou critiquer une religion, liberté d'aller et venir, liberté de se vêtir à sa guise,...

Or la démocratie a toujours comporté des risques de dérive et c'est pourquoi même les régimes démocratiques comportent des contre-pouvoirs et des garde-fous. Les garde-fous sont notamment la Constitution (qui, en France, inclut la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le préambule de la Constitution de 1946) et les traités par lesquels le pays s'est engagé à respecter différents droits fondamentaux (la Convention européenne des droits de l'homme, les conventions de l'Organisation internationale du travail, la Convention d'Istanbul sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes, etc...). Les contre-pouvoirs sont notamment les instances chargées de faire respecter les garde-fous, par exemple le Conseil Constitutionnel, mais aussi le Sénat, qui permet de rediscuter certains textes qui peuvent sembler contestables.

Si des parlementaires peuvent se laisser aller à voter des textes abusifs ou inapplicables, le peuple n'est pas non plus à l'abri de ces erreurs, surtout si chaque citoyen a été endoctriné par un média de masse.

Les garde-fous sont donc indispensables, même pour les textes adoptés par référendum. Bien sûr, les garde-fous eux-mêmes peuvent évoluer, mais par une procédure plus lourde qu'un simple vote, pour en peser toutes les conséquences et tous les risques, et empêcher qu'un dirigeant autoritaire ne puisse facilement les supprimer.

Un référendum ne peut pas répondre à une question ouverte

C'est une évidence qui mérite d'être rappelée: un référendum est un vote par “Oui” ou “Non”, il n'est donc utile que pour des sujets où il est pertinent de répondre “Oui” ou “Non”.

Certaines questions sont intrinsèquement binaires: par exemple, si le pays doit entrer dans une organisation supranationale ou en sortir.

Beaucoup d'autres questions, initialement complexes et ouvertes, deviennent binaires à l'issue d'un long débat, qui se cristallise entre deux camps, chacun ayant des arguments pour défendre sa position. Un référendum peut trancher entre les deux positions: par exemple, s'il faut garantir l'équilibre du système de retraite en augmentant la durée de travail pour toucher une retraite pleine, ou bien augmenter les cotisations pesant sur les employeurs.

Mais en l'absence d'un débat sérieux, ou si les positions ne se cristallisent pas, beaucoup de questions restent ouvertes et ne peuvent pas être tranchées par un référendum, par exemple:

Un référendum sur une personne (plébiscite) est dangereux!

Alors qu'un référendum est souvent un moment de démocratie, il peut se méfier comme de la peste d'un dirigeant qui convoque un référendum pour confirmer qu'il a le soutien du peuple, c'est-à-dire du plébiscite. En effet, il ne le fait pas pour consulter le peuple, mais pour conforter son pouvoir avant de se lancer dans une aventure hasardeuse (par exemple réformer la Constitution pour pouvoir rester au pouvoir sans limite de durée).

De tout temps, les dictateurs ont convoqué des plébiscites, et les démocraties ont refusé ce type de vote.


Certains pays (et des régions de certains pays) ont une sorte d'anti-plébiscite: le référendum révocatoire. Il permet, sous certaines conditions (par exemple une pétition lancée avant la moitié du mandat d'un élu), de voter pour limoger un élu.

Le référendum révocatoire n'est pas très répandu dans le monde, mais il existe dans des démocraties: il n'a en effet pas les mêmes risques de dérive dictatoriale que le plébiscite. Mais le nombre de référendums révocatoires ayant abouti dans le monde est faible, ce qui ne permet pas de conclure sur son impact réel. Il ne faut peut-être pas surestimer son utilité, car:

Quelques précisions sur les référendums

Référendum d'initiative citoyenne, populaire, partagée...

Dans un référendum d'initiative citoyenne (RIC) ou populaire (c'est la même chose), ce sont les citoyens eux-mêmes qui permettent à une initiative d'arriver au stade de référendum, typiquement par une pétition soutenue par un grand nombre d'électeurs.

Dans le référendum d'initiative partagée (RIP), tel qu'il existe en France, il faut à la fois le soutien d'un certain nombre de parlementaires et d'un certain nombre d'électeurs. Le RIP est très décrié en France, et à juste titre car il a été conçu pour ne pouvoir jamais aboutir (nécessité du soutien d'un nombre énorme de citoyens, limitation stricte du champ d'application, et surtout possibilité pour le Parlement d'empêcher le référendum en adoptant ou en rejetant lui-même la proposition). Le principe n'est pourtant pas absurde:
    – si beaucoup de citoyens soutiennent une idée, c'est sans doute aussi le cas d'un certain nombre de parlementaires, soit par conviction, soit pour plaire à leurs électeurs. Si ce n'est pas le cas, l'idée n'est certainement pas majoritaire dans le pays.
    – il est difficile pour les seuls citoyens d'imposer une idée, et l'appui de parlementaires ne peut que renforcer leur initiative.
    – l'implication des parlementaires peut aider à garantir la cohérence de l'ensemble législatif.

Le cas de la Suisse et de ses “votations”

Les référendums (votes “Oui” ou “Non”) s'appellent “votations” en Suisse. Ils y sont très fréquents, au niveau fédéral (national) comme cantonal (départemental). Certains sont votés à la double majorité: le texte doit être approuvé par la majorité des électeurs suisses, ainsi que par la majorité des cantons suisses (c'est-à-dire par la majorité d'électeurs dans la majorité des cantons).

Il existe deux grands types de “votations” en Suisse:
On peut retenir du système suisse que:

Conclusion

Le référendum est un bel outil démocratique, et le RIC (référendum d'initiative citoyenne) peut y contribuer, comme c'est le cas en Suisse avec les “initiatives populaires”.

Le RIP (référendum d'initiative partagée) peut être tout aussi efficace, sous réserve de ne pas être aussi inatteignable que celui qui existe actuellement en France. Il a l'avantage de filtrer dès le départ des idées qui ont un certain niveau de popularité dans la société. Mais par nature, la procédure est lourde et longue.

Le RIC, et plus généralement les référendums, sont souvent réclamés par des partis anti-démocratiques. Ils y voient parfois le moyen de ne pas exprimer leurs véritables propositions (“le peuple tranchera”), mais aussi de contourner les garde-fous et les contre-pouvoirs sans lesquelles la démocratie ne pourrait pas exister. De tels partis peuvent l'utiliser pour renforcer le pouvoir du dictateur (plébiscite), ou attaquer les droits fondamentaux des citoyens.

Pendant le mouvement des gilets jaunes, le RIC a servi d'accord minimal entre des groupes dont les revendications étaient divergentes, et où les personnes affirmant publiquement une revendication étaient attaquées par les autres “gilets jaunes”. Le RIC permettait donc de remettre à plus tard les choix politiques.

Ce mouvement pour le RIC avait aussi une connotation clairement populiste, avec une contestation générale de la légitimité des élus et des institutions, ceci venant probablement de l'influence du Front National (surtout au début) et des médias russes (qui ont énormément médiatisé et amplifié ce mouvement, et qui étaient très suivis parmi les gilets jaunes). Il y a là un aspect nettement anti-démocratique, qui refuse la légitimité des personnes élus, et celles des textes signés par la France, surtout lorsqu'ils déplaisent au dictateur russe: les textes sur les droits de l'homme, la construction européenne, l'adhésion à l'OTAN, etc...

En bref, ils nous ont menti sur l'utilité réelle du RIC, mais les référendums ont bien une utilité démocratique.



Mots-clés: politique démocratie

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