Ils nous disent que les médias sont tellement de la
merde qu'il faut les appeler des “merdias”, et que
les journalistes sont tellement des salopes qu'il faut les appeler
des “journalopes”. Avec cette vulgarité injurieuse, ils
croient que les mots-valises (les mots formés par la juxtaposition
de deux mots) suffisent à justifier leur dénigrement.
Ils ne nous autorisent pas à penser par nous-mêmes, et si nous avons
un désaccord avec eux, ils disent que c'est à cause des “merdias”
qui ont perverti notre cerveau. Ils nous disent:
“Arrêtez de regarder BFM”, même si nous n'avons jamais
regardé cette chaîne.
“Éteignez la télé”, même si nous n'avons pas de télé à
la maison.
“C'est le gouvernement” ou “c'est la
gauchiasse-écolo-bobo”, si nous suivons le service public,
comme France Inter ou ARTE.
“C'est au service des multinationales”, si nous suivons
des médias privés, comme RTL ou Le Monde.
“C'est la presse mainstream”, si nous suivons tout
autre média que ceux qu'ils vénèrent
Remarque: au contraire, ils qualifient les médias du groupe
Bolloré de “médias
indépendants”, alors que Bolloré concentre plus de
50% du marché des médias et de l'édition notamment scolaire,
et ils en disent même que “là
il y a la liberté d'expression”, alors que Bolloré
vire comme des malpropres tous les journalistes qui ne sont
pas dans sa ligne raciste et intégriste.
Ces attaques sont devenues très violentes, avec des insultes, des
agressions physiques et des menaces de mort, à partir du mouvement
des gilets jaunes. Cet article du HuffPost du 20 novembre 2018
l'explique très bien: ils ont également été traités de “youpins
macronistes” (en référence à Patrick Drahi, propriétaire de
plusieurs médias et qui dispose de la nationalité israélienne) et
d'assassins, et ont reçu des menaces de mort sous forme d'images
explicites, sans parler des incitations au meurtre telles que “paye-toi un journaliste”.
Insulte reçue par un
journaliste sur Facebook en 2018 (source: article du HuffPost)
La vérité sur les mensonges des médias
Tous les dictateurs, toutes les sectes, essaient de contrôler les
individus en coupant leurs réseaux d'information et d'entraide. Dans
les sectes, on vous enferme loin des villes, sans moyen de transport
ni argent, on vous dissuade d'utiliser le téléphone, on vous alerte
sur les méfaits supposés de vos parents et de vos amis, et on vous
incite à emprunter de l'argent à vos amis proches pour qu'ils
coupent les ponts quand vous ne pourrez pas les rembourser. On vous
interdit des lectures et on vous ordonne de lire la vérité
du gourou aussi longtemps qu'il le faudra pour y trouver un début de
logique.
Même si vous n'êtes pas sous l'emprise d'une secte, cela ne les
empêche pas de vouloir contrôler vos pensées, en vous interdisant la
majorité des sources d'information, dont la presse et les sites
internet d'information, tenus par des journalistes professionnels
qui vérifient leurs sources.
Des mensonges dans les médias, il y en a et nous y reviendrons, mais
ce n'est pas le sujet principal.
Est-ce pour vous permettre de réfléchir par vous-mêmes? Non: c'est
pour remplacer vos canaux habituels d'information par un ensemble
d'autres canaux, tous branchés sur le même flux de mensonges. Ils
appellent cela de la “réinformation” (en français normal on
dit “mensonges”), en réalité c'est de l'emprise psychologique, au
moyen d'une bulle informationnelle. Ils vous disent “informez-vous”
(sous-entendu: sur internet, sur notre réseau Telegram, etc), mais
ne vous informez qu'avec des mots-clés et des canaux qui vous
renvoient systématiquement sur la même source de désinformation. Ils
veulent vous imposer l'équivalent d'un pays où il y aurait de
nombreuses stations de radio mais où toutes diffuseraient les
discours du Président.
Exemple de bulle
d'information: les liens du site Reinfo-Covid
Il y a plusieurs personnes qui veulent vous interdire d'écouter les
médias (elles seront précisées dans d'autres articles): certains
gouvernements étrangers, certains mouvements populistes français ou
étrangers, des sectes et des religions voulant se développer, des
pseudo-soignants qui vendent fort cher des remèdes ou thérapies
miracles,... Leurs intérêts et donc leurs discours ne sont donc pas
identiques, loin de là. Mais elles s'associent souvent pour attaquer
les médias sérieux qui vérifient leurs informations, et plus
généralement toutes les institutions publiques ou non (État, Union
Européenne, médecins, climatologues, partis politiques, syndicats,
associations, etc). Il s'agit de vous écarter de vos médias
habituels pour faire de la place pour les médias de la bulle de “réinformation”
(de désinformation). Il s'agit aussi de semer le doute dans votre
esprit, dans le maximum de domaines possibles, pour faire
disparaître vos repères intellectuels et faciliter votre insertion
dans une bulle d'information qui diffuse des propos invraisemblables
pour quiconque a une base solide de connaissances politiques,
économiques ou scientifiques. Qu'ils veuillent vous convaincre que
la Corée du Nord est une formidable démocratie ou que l'eau de javel
est un anticancéreux miracle, ils doivent d'abord vous faire douter
même de votre propre naissance: c'est un préalable indispensable
pour que vous acceptiez leurs affirmations en concédant que “on
nous cache tellement de choses”.
Pourquoi c'est dangereux
C'est dangereux car, inconsciemment, nous répétons et croyons ce que
nous entendons. Ce n'est pas un signe de bêtise, bien au contraire:
les humains apprennent en imitant, que ce soit pour marcher, pour
parler, ou pour forger nos opinions religieuses ou politiques. Nous
pouvons faire l'effort de penser autrement dans quelques domaines,
par exemple d'être athée dans un pays intégralement chrétien ou
musulman, mais l'effort est aussi important que de vouloir s'asseoir
par terre en tailleur dans un pays où tout le monde utilise des
chaises.
L'entrée dans une bulle d'information est progressive: nous doutons,
nous cherchons à confirmer avec une autre source (que nous croyons
indépendante de la première), et nous n'acceptons d'abord que des
affirmations assez consensuelles. Pour cette raison, ils nous
envoient des vidéos YouTube, très longues et avec un début assez
insipide, pour que notre esprit critique soit engourdi au moment où
ils délivreront leurs mensonges. Une fois que nous sommes piégés
dans la bulle, nous devenons fermement convaincus d'affirmations
tellement invraisemblables pour une personne extérieure que nous
n'arrivons plus à communiquer avec les autres. Ils n'ont même plus
besoin de nous interdire d'écouter les médias: nous ne supportons
déjà plus les évidences du monde réel, tellement elles heurtent nos
nouvelles croyances. En réalité, nous sommes mentalement entrés dans
une secte.
Comment s'en sortir
Le meilleur conseil est de renouer des contacts à l'extérieur de la
bulle informationnelle, par petites touches, sans chercher à
convaincre autrui de tous ce que la bulle vous a inculqué, ni que
personne ne tente vous faire renoncer d'un seul coup à tout ce qui a
structuré votre pensée et votre vie pendant des mois ou des années.
Alors, les médias mentent-ils?
Oui, il y a des mensonges dans les médias, et aussi en-dehors des
médias. C'est pour cela qu'en 1881, quand la liberté de la presse a
été instaurée, des règles ont été fixées pour que le directeur de la
publication soit pénalement responsable des éventuels délits, comme
la diffamation. Un journal, une radio ou une télé qui ment prend
donc quelques risques, tandis qu'un canal Telegram est intouchable
quels que soient les mensonges que diffuse son propriétaire.
Il y a des médias qui négligent de vérifier si le ministre a dit la
vérité au Parlement, si l'entreprise est aussi vertueuse qu'elle
l'affirme, ou si le produit miracle est vraiment sûr et efficace:
pas le temps, il faut aller si vite, et le journaliste n'est souvent
pas compétent en économie, ou en sciences et médecine, il risque
donc de diffuser les propos erronés d'une personne qui parle bien.
Il y a aussi des médias d'opinion, c'est-à-dire qui trient les
informations et les interprètent pour les faire correspondre avec
leurs grilles d'analyse: si rien n'est faux (théoriquement), les
informations sont pourtant trompeuses. Si vous lisez Le Figaro, vous
serez convaincus que la France est menacée par ses chômeurs
paresseux et ses immigrés dangereux, tandis que si vous lisez
l'Humanité, c'est le scandale des profits perçus par les grands
capitalistes qui vous choquera.
Filtrer et analyser des informations est un acte arbitraire qui
trahit forcément les opinions du journaliste, c'est inévitable. Mais
on peut éviter de tomber dans une bulle informationnelle en
diversifiant les sources d'information.
Enfin, il y a une recherche de sensationnalisme, pour “vendre du
papier” ou accaparer l'attention: les faits ne sont pas
mensongers, mais des faits insignifiants sont montés en épingle, ce
qui peut relever d'une forme de manipulation.
Bref, comment éviter les mensonges
Contrairement à ce qu'ils vous disent, il ne faut pas cesser
d'écouter les médias.
Au contraire, il faut diversifier vos sources d'information.
Collectivement, il faut lutter contre la concentration des médias.
Il est intéressant de limiter le temps de consultation des médias: “arrêter
de regarder BFM”, simplement parce que les chaînes d'info en
continu accaparent l'attention et font perdre du temps.
Demandez-vous si vous êtes tombé dans une bulle d'information:
naviguez-vous entre plusieurs sources d'information qui vont toutes
dans le même sens, au moins sur certains sujets, et affirment des
choses que vos “amis d'avant” jugent farfelues? Il est temps de
mettre le nez en-dehors de cette bulle et de consulter quelques
sources d'information “normales”.
Si vous vous rendez compte qu'on vous parle avec des mots-valises
injurieux comme “féminazie”, “journaputes”, “gauchiasse”, ou pire
que vous vous mettez à utiliser vous-mêmes ce type de termes, il est
urgent de prendre du recul car vous êtes devenu une cible pour
l'extrême-droite. Alors déconnectez-vous des réseaux sociaux,
reprenez le contact avec des personnes réelles et avec la nature, et
réapprenez la langue française normale, celle qui permet de parler à
des personnes sans les injurier, celle qui n'a pas but de désigner
les boucs émissaires à exterminer mais qui permet d'exprimer toutes
sortes d'idées enrichissantes.